


par Lex Thielen1
La loi ne prévoit de recours que contre les "décisions des assemblées générales".
Une assemblée générale en tant que telle ne peut pas être annulée, puisque seules les décisions sont annulables. Le copropriétaire demandeur doit donc le cas échéant demander l’annulation de toutes les décisions prises lors de l’assemblée générale en question.
Il faut par ailleurs qu’il y ait eu effectivement prise d’une décision, même si celle-ci a été irrégulière. Un recours contre une discussion ou une simple proposition ne serait pas recevable.
Enfin, la décision doit bien avoir été prise au cours d’une assemblée générale. Une décision prise p.ex. par certains copropriétaires en dehors de toute assemblée générale n’a aucun effet juridique ; une telle décision n’a pas besoin d’être annulée car elle est considérée comme inexistante.
La copropriété est régie par la loi modifiée du 16 mai 1975 portant statut de la copropriété ainsi que par son règlement grand-ducal d’exécution du 13 juin 1975.
Tandis que les principes concernant les assemblées générales du syndicat des copropriétaires contenus dans la loi précitée sont impératifs et d’ordre public - la loi précisant elle-même que toutes clauses contraires sont réputées non-écrites - ceux du règlement grand-ducal s’y rapportant sont certes obligatoires, mais n’ont pas la même force contraignante.
La différence est de taille : le non-respect d’une des dispositions concernées de la loi constitue une violation d’une formalité substantielle. La sanction est la nullité absolue : le juge doit la prononcer et il doit même la soulever d’office.
Le non-respect d’une formalité prévue par le règlement grand-ducal, par contre, n’est sanctionné que par une nullité relative : elle doit être invoquée par l’une des parties – le juge ne peut pas la soulever d’office – et il faut que l’inobservation de la formalité ait causé un préjudice au demandeur en compromettant son information ou sa protection.
Enfin, à part les recours en annulation qui consistent à demander au juge à anéantir rétroactivement une décision sans y substituer une autre, il existe dans certains cas limitativement prévus par la loi des recours où un copropriétaire peut demander au tribunal d’imposer une décision différente au syndicat des copropriétaires.
Sont sanctionnées par une nullité absolue les irrégularités suivantes concernant une assemblée générale qui constituent une violation d’une formalité substantielle d’ordre public :
- l’absence de convocation ;
- la non-convocation d’un copropriétaire ;
- la computation des voix d’une manière autre que suivant les quotes-parts dans la copropriété ("millièmes"), sauf les deux exceptions prévues par la loi, à savoir :
. quand des dépenses d’entretien sont mises à charge de certains copropriétaires seulement par le règlement de copropriété, seuls ceux-ci prennent alors part au vote avec un nombre proportionnel de voix à leur participation auxdites dépenses (et non en fonction de leurs quotes-parts),
. lorsqu’un copropriétaire possède une quote-part des parties communes supérieure à la moitié, le nombre de voix dont il dispose est réduit à la somme des voix des autres copropriétaires ;
- l’inobservation des conditions de majorité prévues pour les différentes décisions.
Il y a lieu de préciser que les présences et les votes sont présumés être tels qu’indiqués au procès-verbal; il appartiendra à celui qui les conteste de rapporter la preuve du contraire.
La sanction de l’inobservation des formalités concernant la convocation ou la tenue d’une assemblée générale ainsi que de la prise d’une décision pour laquelle l’assemblée générale n’a pas de compétence est la nullité relative.
Pour ce qui est de la convocation, il s’agit notamment des irrégularités suivantes :
- convocation de l’assemblée générale par une personne non habilitée ;
- absence d’une indication obligatoire sur la convocation (lieu, date et heure de la réunion, ordre du jour);
- absence ou transmission tardive de certains documents devant être communiqués obligatoirement aux copropriétaires avant l’assemblée générale si les points qui s’y rapportent figurent à l’ordre du jour (p.ex. le compte des recettes et des dépenses de l‘exercice soumis au vote, le budget prévisionnel, les modifications proposées au projet de règlement de copropriété, à l’état descriptif de division ou à l’état de répartition des charges, les conditions essentielles d’un contrat proposé y inclus le contrat à conclure avec le syndic, les projets de résolution que l’assemblée est appelée à adopter etc.);
- décision prise concernant un point n’ayant pas figuré à l’ordre du jour joint à la convocation ;
- non-respect du délai de convocation;
- forme de la convocation (aucune forme particulière n’est imposée par la loi à part que la convocation doit être faite par écrit et ne peut être orale, mais le règlement de copropriété peut prévoir une forme particulière de convocation).
Concernant la tenue de l’assemblée générale, les irrégularités peuvent notamment consister dans :
- la réunion dans une commune autre que celle de la situation de l’immeuble (sauf si le règlement de copropriété prévoit un autre lieu) ;
- la participation au vote d’une personne n’ayant pas le droit d’y prendre part ;
- l’absence de signature du procès-verbal par le président et le secrétaire de l’assemblée ainsi que les membres du bureau s’il y en a un ;
l’absence dans le procès-verbal du texte d’une délibération, du résultat d’un vote (avec précision du nom des opposants, abstentionnistes et de ceux n’ayant pas participé au vote) ou des réserves éventuellement formulées par un copropriétaire ;
- l’absence en annexe du procès-verbal d’un document auquel il est fait référence dans une décision afin de pouvoir vérifier ultérieurement avec précision l’étendue de la décision prise.
Enfin, lorsque l’assemblée générale dépasse ses pouvoirs en prenant une décision ne rentrant pas dans sa mission – le syndicat a pour seul objet d’administrer et d’entretenir l’immeuble en copropriété et rien d’autre – ou commet un abus de majorité en usant de ses droits et pouvoirs dans un but autre que l’intérêt collectif de la copropriété, sa décision encourt également la nullité relative. Il en est ainsi aussi en cas de fraude. Comme exemple de dépassement des pouvoirs on peut citer l’acquisition d’un lot par la copropriété afin de le donner en location alors que le fait de refuser à un copropriétaire une autorisation pour une demande pourtant en conformité avec le règlement de copropriété peut constituer un abus de majorité.2
Il y a deux cas où le juge, au lieu d’annuler une décision, peut imposer une autre décision au syndicat des copropriétaires.
C’est tout d’abord l’hypothèse prévue spécialement par la loi où l’assemblée générale refuse d’autoriser un ou certains copropriétaires à exécuter à leurs frais dans les parties communes des travaux d’amélioration – à condition qu’ils soient conformes à la destination de l’immeuble – tels que l’adjonction d’éléments d’équipement commun ou l’aménagement respectivement la création de locaux communs. Le ou les copropriétaires en question peuvent alors saisir le tribunal d’arrondissement pour se faire autoriser à accomplir les travaux en respectant les conditions que le tribunal fixera.
Par ailleurs, en cas de modification par l’assemblée générale des bases de répartition des charges - au cas où cette faculté lui est reconnue par la loi - un copropriétaire qui n’est pas d’accord peut saisir le tribunal civil. Si le tribunal estime que la contestation est fondée, il peut procéder lui-même à la répartition nouvelle. Il en est de même de la répartition votée proportionnellement aux avantages qui résultent pour chacun des copropriétaires d’améliorations décidées par l’assemblée générale pour les parties communes.
Tout copropriétaire – mais seulement un copropriétaire (ou une personne dûment mandatée par lui à cet effet) peut intenter un recours contre une décision de l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires.
Il faut toutefois que le copropriétaire en question se soit prononcé contre la proposition contestée lors du vote au cours de l’assemblée générale, ou qu’il n’y ait pas assisté.
Un copropriétaire qui a voté en faveur d’une proposition ne peut pas par après intenter un recours contre cette même décision. Il en est de même d’un copropriétaire présent, mais qui n’a pas participé au vote.
En cas de recours contre une décision non conforme de l’assemblée générale, le copropriétaire dispose d’un délai de 2 mois depuis la notification de la décision, et seule cette décision est le cas échéant annulée.
Le délai ne commence à courir aussi longtemps que la décision n’a pas été notifiée au copropriétaire en question. Il en est de même si la notification a eu lieu, mais qu’elle ne peut être prouvée, p.ex. si elle a été faite par lettre simple et que le destinataire conteste l’avoir reçu. La notification doit par ailleurs être faite au copropriétaire en personne ; elle ne saurait être faite au mandataire habilité à représenter le copropriétaire à l’assemblée générale sauf si celui-ci a été expressément mandaté à recevoir aussi la notification de la décision au nom du copropriétaire.
Passé ce délai de deux mois, aucun recours n’est plus possible, même contre une décision prise concernant un point n’ayant pas figuré à l’ordre du jour.
Notons dans ce contexte que la notification des décisions n’a pas besoin d’être faite à tous les copropriétaires mais aux seuls copropriétaires opposants ou absents lors du vote puisque les autres copropriétaires – ceux qui étaient présents à l’assemblée générale - sont censés avoir connaissance des décisions puisqu’ils les ont votés. Il est vrai qu’en pratique les syndics communiquent les décisions à tous les copropriétaires, le plus souvent même le procès-verbal intégral alors que la seule notification des décisions serait en principe suffisante.
Par contre, en cas d’irrégularités concernant les formalités substantielles de l’assemblée générale, toute l’assemblée générale est viciée et annulée, et le délai de recours n’est alors plus celui de 2 mois, mais le délai de 10 ans puisqu’il ne s’agit plus d’une simple contestation d’une décision de l’assemblée générale. Tel serait p. ex. le cas où le résultat des votes ne serait pas mentionné dans le procès-verbal.
La juridiction compétente pour connaître des recours contre les décisions des assemblées générales est le tribunal d’arrondissement du lieu de la situation de l’immeuble. Le recours se fait par voie d’assignation. Un appel contre la décision de première instance est possible.
La demande en annulation n’a pas d’effet suspensif. La décision attaquée reste donc valable jusqu’à son annulation éventuelle par les juges.
Si les juges donnent raison au demandeur, ils ne peuvent qu’annuler la décision ; ils n’ont pas compétence pour y substituer une autre décision, sauf les exceptions spécifiques ci-dessus où le juge peut réformer une décision de l’assemblée générale pour en imposer une autre.
Une décision annulée pourra cependant toujours être remise à l’ordre du jour d’une autre assemblée générale. Si cette assemblée générale et le vote se font de manière régulière, la décision sera adoptée, même si elle a été précédemment annulée par les juges. Ces derniers jugent en effet la forme et non le fonds.
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1 Lex Thielen est avocat à la Cour et auteur des livres « Les professions de l’immobilier en droit luxembourgeois , Editions Larcier, 2010, « Le contrat de bail , Editions Promoculture/Larcier 2013, « Tout savoir sur l’immobilier , Editions Promoculture/Larcier (1ère édition 2015, 2e édition novembre 2016) et « Immobilienrecht in Luxemburg, einfach erklärt Editions Promoculture/Larcier 2016.
2 Marc Elter et Fernand Schockweiler, Copropriété des immeubles bâtis et ventes d’immeubles à construire au Grand-Duché de Luxembourg, n° 540 et 541.